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En 2023, il est devenu évident que la prospérité économique soutenue par la mondialisation au cours des deux dernières décennies n'est plus viable. Le monde est devenu plus instable, tandis que la communauté scientifique s'accorde à dire que les défis, sanitaire, climatique et économique des trois dernières années n'étaient que le prélude du monde de demain. Ce constat nous amène à considérer qu'il est essentiel d'élargir notre univers d'investissement tout en continuant de scruter la qualité des fondamentaux macroéconomiques.

Les pays développés face à une situation inédite

Dans notre article "Changement de contexte pour les marchés obligataires", nous avons souligné un changement significatif de paradigme : après des années de taux d’intérêt planchers au cours desquelles les gouvernements se sont financés à bon prix, les pressions inflationnistes et la hausse rapide des taux d’intérêt qui a suivi placent les économies occidentales, dont la dette est traditionnellement considérée comme une valeur refuge, dans une situation économique unique. En effet, la question de la capacité de ces dernières à assumer des coûts plus élevés de refinancement de leur dette se pose clairement.

Si la situation des Etats-Unis est fragilisée ; elle pose cependant moins question grâce à un certain dynamisme de l’activité économique ; la situation européenne est plus inquiétante puisque les dépenses fiscales massives permises par l’accumulation d’émissions de dette à cout zéro n’ont pas réussi à créer suffisamment de valeur de production à moyen terme au sein des économies. Concrètement, l’économie européenne espère une croissance autour des 2% annuel lors des prochaines années alors que le coût du maintien de cette croissance se situe, en novembre 2023, à un référentiel de 4,5% annuel.

Pays émergents : 77 pays répartis sur 60% de la surface terrestre habitable et une dynamique favorable


La surface terrestre habitable comprend la surface des 194 pays reconnus par l’ONU sauf l’Antarctique et le Groenland.

Source : Fonds monétaire international, BLI

Au cours des deux dernières décennies, le paysage du commerce international a subi des changements profonds qui ont redéfini les moteurs de la prospérité économique à l'échelle internationale. Dans ce contexte, les pays émergents sont parvenus à tirer leur épingle du jeu. En premier lieu, la Chine qui, avec sa main-d'œuvre abordable et qualifiée, a bénéficié de ces changements structurels et a attiré la majeure partie de la production mondiale. Le Parti chinois au pouvoir, dirigé par Xi Jinping, détient aujourd'hui les clés de la croissance économique globale. De même, des pays comme la Corée du Sud, portés par des conglomérats tels que Samsung, LG et Kia, ont réussi à pénétrer la plupart des marchés du vieux continent. Dans le secteur tertiaire, Oman, un petit pays situé au sud de la péninsule arabique, est devenu une destination touristique haut de gamme. Le Chili, historiquement connu pour ses paysages, se trouve désormais au cœur de l'approvisionnement en ressources nécessaires à la fabrication de batteries. Ces récits économiques idiosyncratiques reflètent une diversification géographique, culturelle et économique que les investisseurs chevronnés ne peuvent plus ignorer.

Et d’ailleurs, cette importance croissante des économies émergentes se traduit sur les marchés financiers. Ainsi, l’univers d’investissement de la dette émise en devise forte ne se limite aujourd’hui plus aux dettes des pays occidentaux dont les économies dépendent directement de l’euro ou du dollar. Entre les années 2000 et 2022, alors que les taux en euro et dollar baissaient, le marché secondaire de la dette des pays émergent émise en devise forte s’est consolidé. Avec un marché de plus en plus liquide, le segment de la dette des pays émergents représente un univers attractif, ne fût que par sa taille et sa diversité.

Pourquoi élargir son univers d'investissement aux pays émergents ?

Outre l’attractivité liée aux caractéristiques de l’univers mentionnées ci-dessus, nous identifions deux facteurs principaux de soutien à long terme : la démographie et le progrès technologique. Face à ces deux tendances favorables, le facteur de la qualité de la gouvernance des pays émergents doit cependant toujours être pris en compte.

1) Démographie : une population jeune qui valorise le travail

Chaque année, la population mondiale augmente, mais les tendances sont différentes selon que nous analysons ce qui se passe dans les pays développés et dans les pays émergents.

En effet, les économies avancées voient leur pyramide des âges s’inverser, un phénomène qui s'accentue particulièrement en Europe. De plus, alors que les acquis sociaux se sont renforcés dans le tissu économique des pays développés, il semble que la valeur du travail se soit érodée, laissant place à une baisse de la productivité. Les effets structurels d'une population vieillissante et moins productive sont nombreux. En termes de revenus, les recettes fiscales perçues par les gouvernements s'en trouveront réduites, ce qui se traduira par une moindre flexibilité des dépenses budgétaires.

Alors que les politiques migratoires pourraient être une solution au problème démographique de l'Europe, l'histoire nous montre que les cultures européennes restent peu inclusives, rendant ces politiques peu efficaces.

A l’inverse, les pays émergents bénéficient d'une population, jeune, plus nombreuse, qui commence à accumuler du capital. En atteste, l’augmentation du pouvoir d’achat que des pays tels que le Mexique, l'Indonésie ou l'Inde ont connu au cours des deux dernières décennies.

L’émergence de cette classe moyenne, qui valorise le travail, est l'un des facteurs structurels qui soutient la dette souveraine des pays émergents. Cependant, à l'heure actuelle, plusieurs facteurs limitent la capacité de production et de consommation de cette classe moyenne en croissance notamment le manque d'inclusion financière et une corruption encore trop présente. Ainsi, une amélioration de ces deux facteurs est essentielle au développement pérenne de ces sociétés.

Les nations à revenu moyen ou faible qui parviendront à inclure la majorité des agents économiques dans leur économie formelle augmenteront leur base de contribuables, ce qui entrainera une plus grande flexibilité et une meilleure stabilité financière.

Ces efforts d’inclusion doivent être accompagnés d’une plus grande transparence dans le système économique. Bien que certaines économies émergentes aient enregistré des améliorations en matière de corruption et d’inclusion, notamment en Europe de l’Est, le chemin vers une transparence totale reste ardu, avec de nombreux défis à relever pour éviter de retomber dans les erreurs du passé.  

2) Avancées technologiques : le futur différera-t-il du passé ?

Lors du dernier congrès de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, les économistes, experts fiscaux et gouvernements des pays en développement ont exprimé deux consensus :

  1. La démocratisation de l'accès aux nouvelles technologies sera un facteur déterminant pour stimuler le développement de réformes ;
  2. Afin que ces réformes soient mises en place de manière efficace, le financement doit suivre.

Le premier point constitue l'argument principal de notre conviction selon lequel l'avenir ne ressemblera pas au passé. L'arrivée de technologies telles que le cloud computing, permettant d’accéder à des ressources informatiques via internet plutôt que par le biais d’un ordinateur physique, ainsi que la blockchain, qui permet une transparence totale dans les dépenses fiscales gouvernementales, représentent des avancées majeures à l'échelle mondiale. Bien que cela progresse timidement en raison des coûts en capital et du temps nécessaires, la mise en place de ces technologies avance, notamment dans les pays où la corruption constitue le premier frein du développement économique [1].

Tout nouveau projet requiert des capitaux pour son développement. Accompagnés par des experts mondiaux, conscients des échecs passés, les gouvernements des pays émergents ont surtout besoin de capitaux pour guider leur classe moyenne vers une prospérité sociale durable. Le deuxième point du congrès annuel mentionné ci-dessus met en lumière cette question. Or, actuellement, si les investisseurs professionnels et le secteur public soutiennent ces réformes en investissant dans la dette souveraine émergente, il est indéniable que l’investisseur privé reste encore en retrait.

Alors, les pays émergents pourraient-ils devenir les pays développés de demain ? Les pays développés pourraient-ils devenir les pays émergents de demain ? Si, sur le plan purement financier, la dette des pays émergents offre un rendement attractif par rapport aux pays développés, des réformes fiscales doivent encore être mises en place pour assurer une évolution durable de leur économie.

Dans un monde enclin à la fragmentation, il semble néanmoins clair qu'un investisseur averti doit élargir son univers d'investissement. L'hétérogénéité économique et géographique offerte par les pays en voie de développement ainsi que les facteurs favorables d’évolution offre une diversification qui semble évidente tout en nécessitant un suivi actif des équilibres macroéconomiques de chaque économie.

Finalement, fort du constat que la classe moyenne émergente constituera une part majeure de la consommation de demain, soutenir activement les réformes qui encadreront cette consommation s'inscrit dans une avancée vers des objectifs communs. C’est là que nous avons un rôle à jouer en tant qu’investisseurs de long terme.

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[1] https://www.imf.org/-/media/Files/Countries/ResRep/GNB/gnb-08052023-press-release-blockchain-mission-english.ashx

Source image de couverture : FMI

 

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Maxime Smekens

Maxime Smekens, Co-Fund Manager

Maxime est titulaire du diplôme d’Ingénieur de Gestion de l’Université Catholique de Louvain. Fraîchement émoulu de l'université, Maxime Smekens rejoint BLI - Banque de Luxembourg Investments en mars 2019.

Il intègre l’équipe de Gestion Obligataire en tant qu’analyste sur la dette des pays émergents. Les marchés émergents lui sont familiers puisque Maxime passe une partie de sa vie entre l’Asie et l’Europe de l’Est. Dans le cadre de ses études, Maxime développe un intérêt non seulement pour l’analyse des impacts macroéconomiques globaux sur les marchés mais aussi pour l’analyse quantitative financière. Sa première expérience en gestion d’actifs se fait chez Belfius où il élabore une plateforme de screening de fonds suivant des critères E.S.G. (Environnemental, Social et Gouvernemental).

 

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